Le mot thermalisme désigne l’ensemble des moyens, notamment médicaux et sanitaires, mis en œuvre pour l’utilisation, à des fins principalement thérapeutiques, des eaux minérales ou thermales1, et des boues et gaz qui les accompagnent.
La présence du radical « therm- » (du grec thermos : chaud) suggère que les eaux utilisées soient dotées d’une certaine température, en pratique supérieure à 25°C. Cependant, des eaux plus froides répondent aussi aux caractéristiques des eaux thermales.
Contrairement aux eaux de source ou de puits, qui sont recueillies en surface ou dans les couches géologiques de faible profondeur, les eaux thermales proviennent de gisements profonds dans lesquels, en raison d’un séjour prolongé et de conditions de pression et de température élevées, elles s’enrichissent en sels minéraux et oligoéléments. De plus, alors que les eaux de ruissellement présentent des caractéristiques variables dans le temps, les eaux thermales possèdent des propriétés stables, insensibles aux modifications liées à l’environnement, et notamment à la pollution.
À côté des utilisations strictement thérapeutiques, le thermalisme connaît, depuis une époque récente, des applications dans les domaines du confort et de l’agrément, en dehors de tout souci de traitement des pathologies.
Historique
Les vertus thérapeutiques des eaux thermales sont connues et utilisées depuis la plus haute antiquité : elles sont évoquées dans la littérature grecque dès le VIe siècle avant J.-C. Mais les preuves les plus remarquables de leur faveur se rencontrent dans les vestiges des installations romaines, où les préoccupations hygiéniques et sociales le disputaient aux buts purement thérapeutiques. Dax, Bourbon-l’Archambault, Bourbon-Lancy, Aix-en-Provence, Néris-les-Bains, Vichy figurent parmi les thermes romains les plus fameux.
Au Moyen Âge, les blessés de guerre et les lépreux bénéficient des bienfaits des eaux thermales : le Bassin des Ladres (lépreux) soigne les affections rhumatologiques et dermatologiques.
C’est Henri IV qui fut à l’origine de la première réglementation : en mai 1605, il créa le premier Surintendant des Eaux minérales de France. Ce cadre réglementaire devait être étoffé au cours du XVIIIe siècle par divers textes inscrivant les eaux minérales dans une logique pharmaceutique et médicale.
Mais c’est au XIXe siècle que, porté par la vague du romantisme et le goût impérial pour les villes d’eaux, le thermalisme connaîtra un engouement exceptionnel, avec la création ou le développement de Plombières-les-Bains, Vittel, Contrexéville, Bourbonne-les-Bains, Bains-les-Bains, La Bourboule, le Mont-Dore, Royat, Saint-Nectaire, Vichy, etc… sans oublier les gargarisoirs de Châtel-Guyon !
Au XXe siècle, et singulièrement depuis la prise en charge des cures thermales par la Sécurité sociale en 1950, celles-ci sont à la portée d’un large public. La fréquentation des établissements thermaux est en croissance régulière.
Les eaux thermales
Les eaux thermales peuvent se classer de bien des manières.
La classification chimique usuelle distingue :
- les eaux bicarbonatées,
- les eaux sulfatées,
- les eaux chlorurées,
- les eaux sulfurées,
- les eaux faiblement minéralisées, mais remarquables par leurs oligoéléments (arsenic, fer, cuivre, sélénium, vanadium, manganèse, fluor), ou leurs propriétés physiques (thermalité, radioactivité).
1 les deux termes sont équivalentsNi la radioactivité, ni la présence d’oligoéléments ne présentent, dans les conditions de leur emploi, de danger pour les patients. Les eaux thermales des établissements conventionnés avec la Sécurité sociale font l’objet de contrôles très stricts. La présence du moindre élément pathogène provoque la fermeture du centre.
Classification selon le mode d’application :
- contact direct avec les lésions (affections dermatologiques, naso-sinusiennes, bronchiques, gynécologiques, intestinales)
- hydrothérapie externe, par action sur les organes profonds (pathologies ostéo-articulaires, neurologiques, veineuses, artérielles, cardiaques)
- boisson (affections digestives, urinaires, nutritionnelles ; pédiatrie, gériatrie).
Classification selon les indications thérapeutiques
La Sécurité sociale a défini 12 domaines thérapeutiques relevant du thermalisme qu’elle prend en charge1 :
1. Rhumatologie : Rhumatismes chroniques ou inflammatoires, arthroses, tendinites, lombalgies, sciatiques, douleurs dorsales post-opératoires, séquelles de traumatismes ostéo-articulaires...
2. Voies respiratoires : Affections ORL traînantes (rhinites, otites, pharyngites ou sinusites), affections chroniques et récidivantes d'origine allergique (asthme, rhinites allergiques, trachéites spasmodiques), affections des voies respiratoires inférieures...
3. Maladies cardio-artérielles : Artérite des membres inférieurs, hypertension artérielle, angor chronique, syndrome de Raynaud...
4. Phlébologie : Insuffisance veineuse à tous les stades, séquelle de phlébites, cicatrisation des ulcères veineux, diminution des lymphœdèmes...
5. Neurologie : Névrites, polynévrites, séquelle de zona, hémiplégie, maladie de Parkinson...6. Affections psychosomatiques : Anxiété, somatisation, asthénie, troubles du sommeil, dépression chronique...
7. Affections urinaires et maladies métaboliques : Prévention des récidives de lithiase urinaire, infections urinaires récidivantes chez la femme, prostatite récidivante, albuminurie de l'enfant sans cause organique trouvée...
8. Gynécologie : Algies pelviennes de toute nature...
9. Affections digestives et maladies métaboliques : Colopathies fonctionnelles, troubles de la digestion, colites inflammatoires, diverticulose intestinale, constipations sévères, surcharge pondérale...
10. Troubles du développement chez l'enfant : Infections ORL récidivantes, pathologies ostéoarticulaires, anorexie, instabilité psychomotrice, énurésie...
11. Dermatologie : Eczéma de l'adulte et de l'enfant, psoriasis, cicatrices hypertrophiques de brûlures, prurit, urticaire rebelle...
12. Affections de la muqueuse bucco-linguale : Parodontopathies, mycoses buccales, lichen plan, glossites, glossodynies...
1 Source : Site internet « La médecine thermale » : http://www.medecinethermale.fr/ la-medecine-thermale/indications-therapeutiques
Propriétés thérapeutiques
Il existe une relation entre la composition des eaux thermales et leurs propriétés thérapeutiques. Cependant, on constate que des eaux de composition voisine soulagent des maladies bien différentes, alors que des eaux de composition différente peuvent soulager des affections similaires. Le choix par un praticien d’une station de cure plutôt qu’une autre résulte de l’expérience accumulée au cours des années.
Les stations thermales
Il y a lieu d’affecter certaines « spécialités » thérapeutiques aux différentes stations thermales. Ainsi, pour la région Poitou-Charentes, on peut dresser le tableau suivant des principales indications :
Affections des muqueuses bucco-linguales : Rochefort, La-Roche-Posay
Affections psychosomatiques : Saujon
Dermatologie : Rochefort, La-Roche-Posay
Phlébologie (maladies veineuses) : Jonzac, Rochefort
Rhumatologie : Jonzac, Rochefort (NB : la plupart des stations thermales prennent en charge les affections rhumatologiques)
Voies respiratoires : Jonzac
Les cures thermale
sLes patients, et leur médecin, n’attendent pas seulement de la cure thermale un bienfait immédiat, bien que celui-ci soit grandement facilité par l’éloignement, le repos, parfois des séances d’exercices physiques, de rééducation, de psychothérapie, et surtout – condition exigée pour la prise en charge par la Sécurité sociale – un suivi médical étroit. En effet, il en résulte aussi une amélioration durable, ainsi qu’une réduction ou une suppression de certains médicaments. En cas de succès, une deuxième et une troisième cure sont souvent utiles.
Les facteurs économiques évoqués ne sont sans doute pas étrangers à la prise en charge, dans certaines conditions, de certains frais relatifs aux cures prescrites médicalement pour les affections relevant des 12 domaines thérapeutiques mentionnés précédemment.
Outre les honoraires de surveillance médicale (couverts à 70 %), les traitements sont remboursés à 65 % ; des indemnités journalières sont accordées aux salariés, ainsi que les frais de voyage et de séjour du curiste et d’un accompagnant (sous conditions de ressources des bénéficiaires). Les organismes d’assurance complémentaire (« mutuelles ») peuvent compléter ces remboursements dans la limite des formules contractuelles souscrites.
Quelques chiffres
Les cures
Pour l’année 2014, près de 550 000 curistes assurés sociaux (dont 45 000 curistes pour la région Poitou-Charentes) ont suivi une cure de 18 jours, ce qui représente près de 10 millions de journées.
La fréquentation la plus importante concerne la rhumatologie, avec 425 000 cures, soit 77 % du total.
Les stations thermales
Il existe en France 115 établissements implantés sur 102 sites. Tous les établissements thermaux thérapeutiques doivent être conventionnés avec la Sécurité sociale.
Les sources thermales
On recense en France 1 200 sources d’eaux thermales aux propriétés diverses.
Le coût du thermalisme (chiffres de 2013)
Le thermalisme médical représente 0,14% du total des prestations de remboursement effectuées par la Sécurité sociale.
Les dépenses liées au thermalisme ont augmenté de 8,6 % en 12 ans, contre 52,9 % pour l'ensemble des dépenses de santé (69,4 % pour la consommation de médicaments et 40,2 % pour les hôpitaux).
Impact économique du thermalisme
De nombreuses activités sont induites par l’existence d’un centre thermal. L'industrie hôtelière bénéficie d'un apport considérable de clients durant la saison thermale. Au début du xxe siècle, ce sont les grands hôtels qui attirent une clientèle aisée (Vichy, Aix-les-Bains, etc.). L’hébergement en meublé, moins onéreux, attire plutôt la clientèle du thermalisme social. Les villes thermales bénéficient aussi, grâce à leur statut de station hydrominérale, de la possibilité de posséder un casino qui, bien qu’il ait perdu l'aspect mondain des années précédant 1950, attire toujours une forte clientèle. Les commerces, en particulier les services à la personne (laveries, pressing, ambulances), sont indispensables durant une cure de dix-huit à vingt et un jours. Les curistes disposant de beaucoup de temps libre, les activités touristiques, culturelles et de loisir sont aussi nombreuses en ville thermale.
L’activité du thermalisme occupe environ 100 000 salariés, et représente un « PIB » de 500 millions d’euros. On estime que 100 curistes nouveaux génèrent 10 emplois. Les neuf dixièmes des établissements étant situés dans des communes de moins de 10 000 habitants, l'établissement est souvent le premier pourvoyeur d'emplois directs ou indirects dans la région où il se trouve (ou le deuxième après l'hôpital).
Conclusion
L’expansion du thermalisme est régulière en France. Cependant, il traverse une crise de confiance pour une partie de l’opinion publique et des spécialistes hospitaliers. Ces derniers, habitués aux maladies graves, aigües, dont le traitement nécessite des installations lourdes et un personnel important, sont moins familiers des malades chroniques, de la rééducation et de la réadaptation fonctionnelle. Leurs réserves semblent suivies par les pouvoirs publics qui ont pris des mesures diverses risquant de décourager les malades d’avoir recours au thermalisme, et les étudiants et médecins de qualité de s’y intéresser.
La Sécurité sociale, au contraire, est sensible à la rentabilité des cures dont elle connaît les conséquences favorables sur l’absentéisme au travail et le coût des médicaments consommés par les malades chroniques.
On peut estimer que l’évolution des techniques, les progrès du diagnostic, l’évolution même des pathologies (problèmes diététiques, allergies, stress social ou professionnel), le perfectionnement de l’analyse scientifique des résultats des cures thermales permettront aux motifs d’expansion du thermalisme de l’emporter sur les motifs de crise.
Sources :
Article Thérapeutique, François Besançon, Encyclopædia Universalis, 1989, pp.518 s.
Sites internet cités supra.
1 Sources : La médecine thermale, site internet : http://www.medecinethermale.fr/la-medecine-thermale/