ODELETTE Henri de Régnier (1864-1936)
Un petit roseau m’a suffi Pour faire frémir l’herbe haute Et tout le pré Et les doux saules Et le ruisseau qui chante aussi ; Un petit roseau m’a suffi À faire chanter la forêt.
Ceux qui passent l’ont entendu Au fond du soir, en leurs pensées, Dans le silence et dans le vent, Clair ou perdu, Proche ou lointain … Ceux qui passent, en leurs pensées, En écoutant au fond d’eux-mêmes L’entendront encore et l’entendent Toujours qui chante.
Il m’a suffi De ce petit roseau cueilli À la fontaine où vint l’Amour Mirer un jour Sa face grave Et qui pleurait, Pour faire pleurer ceux qui passent Et trembler l’herbe et frémir l’eau ; Et j’ai, du souffle d’un roseau, Fait chanter toute la forêt.
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LA FORET François René de Chateaubriand 1768-1848
Forêt silencieuse, aimable solitude, Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré Dans vos sombres détours, en rêvant égaré, J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude ! Prestige de mon cœur ! Je crois voir s’exhaler Des arbres, des gazons, une douce tristesse : Cette onde que j’entends, murmure avec mollesse, Et dans le fond des bois semble encore m’appeler. Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière Ici, loin des humains !... Au bruit de ces ruisseaux, Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière, Qu’ignoré, je sommeille à l’ombre des ormeaux ! Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles : Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit, Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit, Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles. Forêts, dans vos abris gardez mes vœux offerts : A quel amant jamais serez vous aussi chères ? D’autres vous rediront des amours étrangères ; Moi, de vos charmes seuls j’entretiens vos déserts.
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